République de Guinée
Résumé exécutif
L’analyse de la situation
faite dans le Cadre Stratégique de Lutte contre le VIH/Sida 2013-2017 montre
que la Guinée fait toujours partie des pays avec une forte mortalité. Le VIH/Sida constituerait la troisième cause
de mortalité après le paludisme et les anémies (source annuaire statistique,
MSHP 2011) et selon le Spectrum 2012
Guinée, le décès annuel dû au sida est estimé à 5173 cas dont 1051 enfants.
La
Guinée a adopté des objectifs de réduction des taux de morbidité et de
mortalité liés aux VIH/Sida, en adéquation avec les différents engagements
nationaux, africains et internationaux.
Ces
objectifs visent essentiellement la réduction des nouvelles infections,
l’amélioration de la qualité de vie des PVVIH et le renforcement de la
gouvernance de la réponse nationale.
La
réponse nationale est organisée selon une approche basée sur la
multisectorialité et la décentralisation, autour d’un cadre institutionnel
impliquant les différents acteurs de la riposte nationale. Ce cadre est marqué
par un organe de décision et d’orientation qui est le Comité National de Lutte
contre le VIH/Sida (CNLS), des structures de coordination et de suivi qui sont
le Secrétariat Exécutif du CNLS (SE /CNLS), les comités sectoriels de
lutte contre le Sida et les comités régionaux de lutte contre le Sida. La mise
en œuvre de la réponse nationale est assurée par le secteur public (santé et
non santé), le secteur communautaire et le secteur privé.
Les
communautés invitées, à s’engager aux côtés des autres acteurs dans la lutte
contre le Sida, apportent leur contribution dans la sensibilisation et la
mobilisation des communautés, la promotion des services VIH intégrés dans les
activités des formations sanitaires (CDV, PTME, prise en charge des personnes
vivant avec le VIH), dans le soutien psychosocial aux personnes vivant avec le
VIH et des enfants rendus orphelins par le Sida, la lutte contre la
stigmatisation et la protection des droits des personnes vivant avec le VIH et
celles qui sont affectées.
La
réalisation de la présente étude se justifie par le fait que cette contribution
des intervenants communautaires n’a pas encore fait l’objet d’une documentation
en vue de déterminer sa part dans l’atteinte des résultats globaux de la
réponse nationale au VIH. Elle s’inscrit dans une dynamique de renforcement des
systèmes communautaires, afin d’améliorer l’efficacité de la réponse nationale
et garantir l’atteinte des résultats. Elle cherche donc à identifier les intervenants
communautaires et leurs domaines d’activités en lien avec la lutte contre le
VIH/Sida, à analyser les mécanismes de coordination et de suivi-évaluation de
ces intervenants et à évaluer leurs besoins de renforcement.
L’étude
s’est déroulée sur 12 districts sanitaires,
ciblées par le programme RSS du Fonds mondial, à savoir : 7 districts
sanitaires de l’intérieur du pays (Boké, Faranah, Kankan, Kindia, Labé, Mamou
et Nzérékoré) et les 5 districts sanitaires de Conakry. La population étudiée a concerné les intervenants communautaires et les
informateurs clés (responsables nationaux du CNLS, du ministère de la santé,
des réseaux d’organisations de la société civile, des formations
sanitaires/responsables locaux, etc.).
Trois méthodes de
collecte des données ont été privilégiées : l’entretien individuel, le groupe
de discussion dirigée (focus group) et
l’analyse du document de stratégie. Les résultats ont été analysés selon une
approche quantitative avec un traitement des données sur Epi-info 7 (version
actuelle), et une approche qualitative basée sur une classification des
informations selon les domaines à étudier.
L’analyse
des résultats a abouti aux conclusions suivantes :
·
les intervenants
communautaires engagées dans la lutte contre le VIH et le Sida en Guinée :
l’analyse des documents de stratégie indique qu’il est reconnu comme
intervenants communautaires dans la réponse aux IST/VIH/Sida en Guinée : les organisations à base
communautaire, les associations/ONG locales et nationales y compris leurs
regroupements (réseaux, coalitions, fédérations, etc.) reconnus officiellement
par l’administration nationale. Cependant, le système national de santé à
travers le (PNDS et la PNSC) ne reconnaît pas les organisations de la société
civile comme intervenants communautaires, mais plutôt les Comités d’Hygiène et
de Santé et les Agents de Santé Communautaires. L’analyse de terrain montre pourtant
que tous les types d’intervenants identifiés par le CNS et les documents programmatique
du Ministère de la Santé sont bien présents sur le terrain, même s’il y a une
prédominance des groupes formels sur les personnes ressources et les
organisations informelles (organisations ne disposant pas de documents
officiels de reconnaissance délivrés par l’administration publique).
· les
domaines de programme de lutte contre le VIH et le Sida dans lesquels sont
engagés les intervenants communautaires : les intervenants
communautaires sont responsabilisés dans tous les domaines de la réponse
nationale contre le VIH/Sida en Guinée allant de la prévention à la prise en
charge médicale, en passant par le dépistage, l’accompagnement psychosocial et
le soutien aux PVVIH. L’enquête de terrain a révélé que les intervenants
communautaires se sont effectivement impliqués dans tous les domaines de la
réponse nationale. Toutefois ces intervenants sont quasiment tous fortement
engagés dans le domaine de la prévention, et plus faiblement dans le domaine de
la PTME et de la prise en charge psychosociale. L’implication des intervenants
communautaires est à son plus bas niveau concernant les soutiens aux PVVIH et
la gouvernance de la réponse nationale. Ces faibles implications s’expliquent
par les faibles compétences des intervenants communautaires dans ces domaines,
surtout par l’insuffisance des ressources (financières et logistiques)
investies dans la mise en œuvre de leurs activités.
La
responsabilisation des intervenants communautaires souffre également d’un
manque d’éclaircissement entre le rôle des structures de coordination et celles
de mise en œuvre, qui entraine des confusions de rôles et des conflits de
leadership sur le terrain.
·
La fonctionnalité et l’efficacité des
mécanismes de coordination : la planification de la
réponse nationale a prévu une coordination des interventions communautaires au
niveau régional et préfectoral. Cependant elle est restée plus ou moins muette
sur la coordination au niveau national. En outre aucun mécanisme n’a été décrit
pour faire le lien entre les structures communautaires de mise en œuvre et
leurs structures de coordination. Bien que la société civile tienne à sa
liberté d’organisation, la logique de l’approche multisectorielle et les
principes du « TREE ONE[1] » recommande que des
directives soient énumérées pour orienter l’opérationnalisation par les acteurs
concernés. Sur le terrain l’enquête a montré qu’il n’existe pas de mécanismes
formels et structurés, se reposant sur des objectifs de coordination. Les
mécanismes décrits par les acteurs sont dans leur majorité des initiatives
isolées et temporelles, se reposant le plus souvent sur l’ingéniosité et
l’ouverture des acteurs en présence.
·
Les mécanismes de suivi-évaluation
des interventions communautaires : Tout comme la
coordination, le système de suivi-évaluation des intervenants communautaires
est décrit au niveau décentralisé, mais pas au niveau central. Les similitudes
avec la coordination vont jusqu’au niveau également du rôle des structures
communautaires de coordination par rapport aux structures de mise en œuvre.
Egalement dans ce domaine, il a juste été identifié des initiatives isolées de
suivi-évaluation, ne permettant pas de remonter des informations complètes et
fiables pour alimenter le système national. Cela est vérifié par le fait que les
rapports nationaux de la réponse nationale ne spécifient pas la contribution
des intervenants communautaires à la réponse.
·
Les besoins en renforcement des
capacités des intervenants communautaires : La
planification de la réponse nationale a toujours prévu sur le plan
programmatique et financier le renforcement des capacités des intervenants
communautaires. Malheureusement, aussi bien sur le plan programmatique que
financier, la planification a été très souvent en deçà des besoins recensés.
Ainsi, le renforcement des capacités des intervenants communautaires est le
domaine qui bénéficie le moins des affectations budgétaires, autrement dit, il
est le « parent pauvre » de la réponse nationale. La majorité des
acteurs rencontrés ont effectivement exposé leur dénuement sur tous les
plans : techniques, financiers et logistiques. Il a été effectivement
constaté que : les organisations communautaires fonctionnent avec des
budgets trop faibles, elles n’arrivent pas à mettre en place toutes les règles
de bonne gestion, et elles ne disposent pas le plus souvent des compétences
techniques pour la mise en œuvre de leurs activités.
Malgré les insuffisances
observées, les organisations communautaires réalisent tout de même de belles
initiatives de bonnes pratiques. Il a alors été formulé les recommandations
suivantes pour renforcer davantage l’efficacité de leurs interventions :
- Uniformiser les considérations des
intervenants communautaires entre le système de santé public et le cadre
de réponse nationale aux IST/VIH/Sida
- Responsabiliser les intervenants
communautaires selon leur niveau de fonction de coordination ou de mise en
œuvre
- Mettre en place une stratégie de
mobilisation pour s’assurer que tous les intervenants communautaires
identifiés s’impliquent et jouent leurs rôles
- Définir un mécanisme de planification qui
décrit d’une part les liens de planification entre les structures
communautaires de coordination et les associations de mise en œuvre et
d’autre part les liens de planification entre les structures de
coordination communautaire et le système national de planification
·
Créer
des cadres de rencontres entre structures de coordination du secteur public et
les intervenants communautaires au niveau central et décentralisé
·
Créer
des bases de données sur les intervenants communautaires au niveau central et
décentralisé
·
Définir
des mécanismes d’approche pour promouvoir l’implication des organisations non
formelles et les personnes ressources (leaders d’opinion)
·
Inclure
un mécanisme de coordination entre les structures communautaires de
coordination et les associations de mise en œuvre dans la réponse nationale
- Mettre en place une structure faitière des intervenants
communautaires pour coordonner les interventions communautaires
- Définir un mécanisme formel et structuré de suivi-évaluation au
niveau des intervenants communautaires
- Renforcer les capacités techniques des intervenants communautaires
en suivi-évaluation
- Inclure les activités de renforcement du système de suivi-évaluation
des interventions communautaires dans le budget du plan de
suivi-évaluation du CSN 2013-2017
- Tenir régulièrement les rencontres de l’instance nationale
responsable du suivi-évaluation de la réponse nationale contre le VIH
- Harmoniser les processus de suivi-évaluation entre d’une part le
système national de santé et les collectivités locales et d’autre part
entre le système de suivi-évaluation de la réponse contre le VIH et le
système national de santé
·
Elaborer
un programme complet de renforcement des systèmes communautaires dans la lutte
contre le VIH/Sida en Guinée
·
Revoir à la hausse la
planification budgétaire au profit des intervenants communautaires
·
Mettre en place un panier
commun de financements des interventions communautaires
·
Revoir la planification de la réponse nationale
pour prendre en compte les Communes Urbaines et
les Communes Rurales
·
Mettre en place un
programme de formation des intervenants communautaires selon leur niveau de
responsabilité et d’implication
[1] Tree One
de l'ONUSIDA : un
cadre d'action unique, un seul mécanisme de coordination, un
seul mécanisme de suivi-évaluation
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